En un clic:
① Des moyens financiers et administratifs
② Mise en avant du député ou de ses idées
③ La recomposition sociale-libérale et Macron
④ Les alliés de Philippot et Hamon
⑤ Les élections européennes de 2019 en vue
Mots clés:
Parlement européen, Elections européennes 2019, Député européen, Macron, Parti politique français
En bref:
Situation inédite, 9 nouveaux partis se sont constitués parmi les députés européens. Trois cas :
▪ Une ambition ou un combat politique
▪ Le rassemblement autour de personnalités importantes (B. Hamon et F. Philippot)
▪ Le soutien à la ligne social-libérale d’E. Macron
Ces députés européens apportent à leurs partis des moyens financiers et politiques décisifs (e.g. remboursements des frais de représentation, participation aux procédures institutionnelles). Ils s’inscrivent dans la recomposition de la vie politique française en vue des prochaines élections européennes en 2019.
Depuis l’intronisation du Parlement européen mi-2014, pas moins de 9 nouveaux partis français 13 au centre (le Mouvement radical, Générations Citoyens et La République en Marche), 3 à gauche (Génération.s, les Radicaux de Gauche, La France insoumise), 1 à droite (Agir), et 2 à l’extrême-droite (Les Patriotes et Les Français Libres). Il y a désormais 16 partis français au Parlement européen. sont entrés dans l’institution . Cette situation exceptionnelle reflète la décomposition du champ politique au niveau national. Elle préfigure les prochaines élections européennes de 2019 — dans un an et demi, et plus largement le profond renouvellement des mouvances politiques françaises.
Lors du vote aux européennes, les électeurs portent leur choix sur des listes composées par les partis politiques. Comment se fait-il alors que des mouvements récemment créés puissent se constituer au sein du Parlement ? La réponse est simple : Les députés sont désignés pour un parti, mais ne sont absolument pas tenus d’y rester fidèles 2Si un représentant quitte ses responsabilités (démission, mandat incompatible, décès), son successeur sera toutefois celui qui le suit sur la liste. Par exemple, J‑L Mélenchon (FI) a été remplacé par une communiste, S. Goulard et M. De Sarnez (MoDem) par des députés UDI. .
Mais alors, comment et pourquoi de nouveaux partis sont entrés dans le Parlement européen ? Quel impact cette dynamique a‑t-elle pour les acteurs de la société civile ?
La représentation européenne : une force politique
Les 9 nouveaux partis français représentés au Parlement européen
Le fait de disposer d’un ou plusieurs eurodéputés renforce la légitimité d’un parti récemment constitué. Il est alors représenté dans un lieu de pouvoir aussi important que rare — puisque limité à 74 élus . Il peut également bénéficier d’une expertise européenne qui infuse tous les domaines programmatiques. L’aspect financier est aussi non négligeable : les députés disposent de budgets et d’un personnel pour déployer leur action (dans le détail : 6611 euros, nets d’impôts avant d’être soumis à contribution du parti, 4416 euros de frais généraux de représentation + frais de voyage). Certains utilisent ces atouts comme des propulseurs pour des intérêts qui leur sont chers, ce qui les rend mieux identifiables pour la société civile.
Pour conforter leur action politique, les nouvelles formations s’appuient sur les acteurs de la société civile. Génération.s, un mouvement qui se revendique écologiste, solidaire et humaniste, sera en effet plus porté vers les organisations qui portent ces mêmes combats. Les élections européennes de 2019 sont très proches et le champ politique amorphe. Pour espérer rester au Parlement européen, ces mouvements doivent, aux yeux des électeurs, justifier leur intérêt d’être représentés au Parlement européen. Voilà tout l’intérêt de rechercher les compatibilités entre l’ADN d’une organisation et de ces nouveaux partis.
Des moyens essentiels aux nouveaux partis
Synoptique des moyens politiques et financiers d’un eurodéputé pour un parti politique
Les parlementaires contribuent en effet au fonctionnement de leur parti grâce à leur activité représentative et à leurs cotisations. Les eurodéputés sont parmi les principaux messagers de leurs formations, car leur activité témoigne au grand public de l’application au niveau européen de leurs idées politiques. Ils bénéficient par ailleurs du remboursement de leurs frais de représentation à hauteur de 4400 euros par mois et d’un personnel rémunéré par le Parlement (Généralement 3 ou 4 assistants parlementaires à Bruxelles et/ou dans la circonscription d’élection du député). Ils bénéficient également des moyens administratifs du Parlement européen et de leur groupe politique. Ces derniers sont particulièrement utiles à la coordination politique et à la promotion des idées portées (meetings, défense d’amendements).
En termes de promotion d’intérêts, cela a donc un impact très limité, puisque le député continue à bénéficier de son statut. Celui-ci se libère en théorie des consignes de sa délégation nationale, il n’a toutefois pas non plus intérêt à trop s’isoler. Il peut donc déposer un amendement démarquant, mais la solitude paie très rarement au Parlement européen. On peut souligner à ce propos qu’ un seul des quinze députés ayant quitté leur parti d’élection s’est aussi privé de l’appui d’un groupe européen : véritable synonyme d’ostracisation au Parlement (Cela peut expliquer pourquoi Florian Philippot s’est empressé de rejoindre le groupe concurrent au Front national dès la création de son parti).
Le cas de la cotisation parlementaire : des montants très fluctuants
Les élus reversent aussi une proportion de leur indemnité à leur parti d’appartenance. Il s’agit d’un financement non négligeable pour les nouveaux mouvements politiques, en quête de fonds pour se développer. Ces sommes sont très variables : elles s’échelonneraient à 3% du total des revenus chez les Républicains et l’UDI, 10% chez le Parti socialiste, et 70% pour le Parti communiste, ce à quoi peut s’ajouter la carte du parti. 3Une indiscrétion du Canard enchaîné en 2016 concernant Vincent Peillon donnait cette appréciation de la cotisation du Parti socialiste : 19.500 euros en 2 ans et demi, soit environ 10% du revenu net d’un député.
Un propulseur pour une carrière ou des idées
Les élus choisissent aussi parfois de constituer un nouveau parti comme une rampe de lancement pour leur carrière ou leurs convictions personnelles . Jean-Marie Cavada, élu centriste et fédéraliste, est appelé en 2014 à présider Nous Citoyens, un mouvement de la société civile. Il fonde ensuite Générations Citoyens, en désaccord avec la gouvernance de son nouveau parti. Les convictions du député sont ainsi mieux identifiables qu’au sein d’un groupe d’une dizaine d’élus. L’ancien député Front national Aymeric Chauprade cherchait quant à lui à se rapprocher de la droite parlementaire, représentée par Les Républicains. Il créé Les Français Libres en 2016 pour porter ses convictions souverainistes et anti-islam dans le débat présidentiel à venir, au cours de laquelle il soutient Nicolas Sarkozy, puis François Fillon. En opposition avec la direction de son parti, la députée du Parti radical de Gauche (PRG) a elle refusé la réunification avec son jumeau de centre-droite, et a alors cofondé un parti politique pour maintenir la sensibilité de son action à Gauche (voir ci-dessous).
La réponse à la recomposition politique en France
Mais le principal élément perturbateur est l’élection d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle. A l’exception du parti d’A. Chauprade, tous sont effectivement liés à la recomposition politique en cours. La restructuration opérée depuis 2017 a touché toutes les formations élues en 2014, à l’exception notable d’Europe Ecologie les Verts (EELV) et du Parti communiste français (PCF).
La relation à Emmanuel Macron et au social-libéralisme

Résultat des élections européennes de 2014 pour la liste du centre “L’Alternative”, et représentation actuelle
Emmanuel Macron et La République en Marche ne comptent à priori qu’un seul et unique soutien au Parlement européen : c’est un trompe‑l’œil. En réalité, le Président de la République peut compter sur une quinzaine d’eurodéputés proches ou bienveillants envers le pouvoir français. C’est le changement majeur dans les relations publiques avec les représentants. Clairement, cela signifie qu’une part importante des eurodéputés est encline à suivre le programme gouvernemental et sa ligne européenne.
La relation à la République en Marche (LREM) a directement impliqué l’arrivée de quatre nouvelles formations. Le Mouvement radical résulte de la réunification du Parti radical valoisien, à droite de l’échiquier, et du Parti radical de Gauche (PRG). Le parti considère que l’opposition se fait désormais entre « progressistes et conservateurs », et se place plutôt du côté d’Emmanuel Macron en clamant le social-libéralisme. Les deux députés radicaux valoisiens ont accompagné le mouvement, mais à l’inverse, la seule députée du PRG a préféré cofonder la renaissance de son affiliation avec Les Radicaux de Gauche. La République en Marche est elle représentée par Jean Arthuis, seul à s’y être officiellement affilié et de manière très discrète. L’ancienne eurodéputée Sylvie Goulard s’en était aussi revendiquée avant sa nomination au gouvernement. Autoproclamée principale opposante à LREM, La France insoumise (FI) a également un député seulement, Younous Omarjee , Marie-Christine Vergiat se revendiquant toujours du Front de Gauche, et Jean-Luc Mélenchon ayant été remplacé par une députée du Parti communiste.
La fidélité à un courant et à des idées

Résultat des élections européennes de 2014 pour la liste “Parti socialiste”, et représentation actuelle
Il est nécessaire de préciser que lors du scrutin européen, les députés sont souvent intégrés à leurs listes par appartenance à un courant, ou proximité avec une personnalité . A la suite des élections présidentielles françaises, deux fortes personnalités représentant des courants distincts au sein du Parti socialiste et du Front national ont quitté leurs formations d’origine. C’est ainsi que deux proches de Benoît Hamon ont rejoint son nouveau parti Génération.s. En créant Les Patriotes, le député européen Florian Philippot a également rassemblé deux fidèles autour de lui.

Résultat des élections européennes de 2014 pour la liste “Front national”, et représentation actuelle
Les élections européennes en ligne de mire
Au Parlement européen, le climat est déjà tourné vers les élections dans un an et demi. Paradoxalement, les deux principaux acteurs de la recomposition politique française, La République en Marche (REM) et la France insoumise (FI) sont relativement absents du Parlement européen. La faiblesse de la REM constitue sans doute une stratégie alors que le parti demeure sans affiliation européenne — les centristes et libéraux de l’ADLE ne manquent pourtant pas de faire des appels du pied. Le mouvement compte pourtant quelques très proches, mais qui restent pour l’instant intégrés à leurs formations respectives.
Recapitulatif des partis représentés au Parlement européen en 2014 et 2018:
Partis en 2014 | Partis en 2018 | |
Front national | Front national | |
Les Patriotes | ||
Les Français Libres | ||
UMP | Les Républicains | |
Agir | ||
Parti socialiste | Parti socialiste | |
Génération.s | ||
PRG | Les Radicaux de Gauche (scission) | |
Mouvement radical (fusion) | ||
UDI | ||
UDI | ||
Génération Citoyens | ||
La République en Marche | ||
MoDem | MoDem | |
Europe Ecologie – Les Verts | Europe Ecologie – Les Verts | |
Parti communiste français | Parti communiste français | |
Parti de Gauche | France insoumise |
Article rédigé le 6 février 2018, les propos n’engagent que The European Machinist
Modifié le 9 février 2018 : Edouard Martin, élu sur liste PS n’est pas encarté; La Justice confirme l’exclusion de Jean-Marie Le Pen du Front national.
[…] sur 28 sont issus de leurs rangs, lesquels ne représentent plus que 42% des citoyens européens. La recomposition politique en cours dans le paysage politique français se manifeste également au niveau européen. Elle questionne ainsi les forces de […]
[…] français, à moins que la dynamique ne soit la même dans les autres pays européens. Pourtant, les dix-sept formations françaises au Parlement européen restent en jeu, d’autant plus que les alliances n’ont pas encore été ficelées. Aucun sondage […]